Réf. 510 00B 17 - brochure, 156 p. + 1 cédérom.
CRDP de Champagne-Ardenne / Foyer rémois, 2003

Le site de la cité-jardin du Chemin Vert à Reims

La cité-jardin
Une histoire ancienne, une idée d'avenir


Les cahiers de l'APIC n° 3


Actes du colloque européen du Foyer Rémois
Reims, 21 et 22 septembre 2000

Le comité scientifique qui a eu en charge la préparation de ce colloque était composé de :

L'édition des actes de ce colloque s'est faite sous la direction scientifique de :

Gracia Dorel-Ferré, IA-IPR, présidente de l'APIC.

Elle a été réalisée en collaboration avec Delphine Henry, auteur du hors-série n°2 des Cahiers de l'APIC,  Chemin Vert, l'oeuvre d'éducation populaire dans une cité-jardin emblématique. Reims 1919-1939, CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2002.

Les Actes de ce colloque constituent le numéro 3 des Cahiers de l'APIC

REMERCIEMENTS :
- au Foyer Rémois,
- à la Ville de Reims,
- au Rectorat de l'Académie de Reims
- au CRDP de Champagne-Ardenne.

 

Table des matières


AVANT-PROPOS                                                                                                                                                                                                                       Alain COSCIA-MORANNE, directeur de la Construction et de la Recherche au Foyer Rémois

PRÉFACE                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Gracia DOREL-FERRÉ, historienne, présidente de l'APIC

PREMIÈRE PARTIE:
Le concept de cité-jardin dans le débat sur le logement social en France                                        

DEUXIÈME PARTIE:
Un phénomène européen                                                                                                                      
- Aux origines du mouvement des cités-jardins en Europe - Roger-Henri Guerrand                   

. Bournville : Carol Priest, Gloria Gain et James Taylor,
. Amsterdam : Sophie Rousseau,
. le Logis-Floréal : Roger Fabry
- Les cités-jardins du Mitteleuropa - Stéphane Jonas
* La cité-jardin d'Olot, en Catalogne : un projet inachevé
Susanna Moya Segura et Antoni Vilanova Omedas

TROISIÈME PARTIE:
Vers la réappropriation du concept ?                                                                                                                                            

- Préservation de l'environnement, hier et aujourd'hui                                                                   
* Table ronde : L'avenir des cités-jardins                                                                                      
. Cité Jules Nadi à Romans : Christelle Mottet et Francisco Vivo,
. Un projet pour La Haye : Marjolin et Pierre Boudry,
. Projet Dauphinot à Reims : Michael Herz et Ursula Winter,
. Suresnes : Marie-Pierre Deguillaume, Ginette Baty-Tornikian
- Projet de statuts pour l'Association européenne des cités-jardins                                                
- Regards rétrospectifs et prospectifs sur la cité-jardin - Marcel Bazin                                           

- Cédérom d'accompagnement -
I. Le mouvement des cités-jardins en Europe

II. Vers la réappropriation du concept ?

III. La cité-jardin du Chemin Vert à Reims

c. Les maisons - d. Un village à côté de la ville

IV. Exposition : les cités-jardins à Reims au XXe siècle
Cette partie reproduit intégralement l'exposition qui avait été présentée conjointement au colloque, à la Maison Commune du Chemin Vert. Elle se compose de 25 panneaux, mettant notamment en lumière l'importance des cités-jardins dans la reconstruction de la ville de Reims, dévastée pendant la Première Guerre Mondiale.
V. Pistes pédagogiques

 

Avant-Propos


Industriel rémois, préoccupé par les conditions de vie des ouvriers, et plus particulièrement par celle des familles nombreuses, Georges Charbonneaux fonde en 1912, avec un groupe d'industriels et de commerçants, une Société Anonyme d'Habitations à Bon Marché (HBM), Le Foyer Rémois, ainsi que le Crédit Immobilier de Reims.

Son objectif était d'acquérir, de bâtir ou d'améliorer des logements sains et hygiéniques pour loger les familles nombreuses de la ville. Dès ses origines, Le Foyer Rémois a repris et adapté au contexte français ce concept de cité-jardin, apparu 15 ans auparavant en Grande-Bretagne. Ses réalisa­tions dans ce domaine, et plus particulièrement, la cité-jardin du Chemin Vert, ont été considérées comme des références en matière de logement social. Pourtant, ce type d'urbanisme sera abandonné pendant un demi-siècle au profit des théories du mouvement moderne. Quant au Crédit Immobilier, son action était de permettre à ceux qui le pouvaient de devenir propriétaires de leur logement.

Les deux premières années après sa création, le Foyer Rémois construit 35 logements. Au début de l'année 1914 est décidée la construction de la cité de Brimontel de 20 logements, ainsi que celle du boulevard Charles Arnould pour 20 logements également.

Ala fin de la guerre, sur les 40 maisons dont la construction avait été décidée en 1914, il ne reste que les fondations. Les dirigeants du Foyer Rémois se préoccupent alors de réparer les maisons en­dommagées, puis décident de construire deux vastes cités-jardins, dont l'une boulevard Pommery, appelée cité du Chemin Vert, sera la première et la plus importante des cités-jardins rémoises.

Malgré des difficultés d'approvisionnement en matériaux de construction, 617 logements sont construits en douze mois, et tous ses équipements sont achevés dès 1924. Une performance !

De 1923 à 1933, le Foyer Rémois édifie en divers endroits de la périphérie rémoise, plusieurs cités-jardins de tailles variées, dont la plus importante, après celle du Chemin Vert, est la cité des Trois Fontaines qui comptera 324 maisons.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la production de logements par le Foyer Rémois augmente pour faire face à la demande. Elle s'oriente alors vers des ensembles de logements collectifs de plus en plus imposants. La conception de ceux-ci, selon les principes du mouvement moderne, diffère radicalement de celle des cités-jardins de l'entre-deux-guerres. C'est ainsi qu'a. partir de 1958, le Foyer Rémois engage, boulevard Wilson, la réalisation d'une opération expérimentale en matière d'industrialisation du logement social.

Au cours des années 1960, 680 logements collectifs sont construits par le Foyer Rémois sur la ZUP Laon-Neufchâtel appelée aujourd'hui « quartier Orgeval ». Puis, à partir de 1965, commence la construction du « quartier de l'Europe », qui comprendra 1 650 logements. Le traitement paysager de ce quartier fait l'objet d'un soin particulier de la part de ses créateurs.

Le dernier grand ensemble des années 1970, et le plus important, est le « quartier Croix-Rouge», dont Le Foyer Rémois réalisera le secteur « Pays de France. » Sur un plan de masse général dû aux architectes Damery, Vetter et Weil, ce dernier construira 2 840 logements collectifs livrés en 1972 et 1973, auxquels s'ajoutent une centaine de maisons individuelles. Vers le milieu des années 1970, un retour à la maison individuelle, associée à un habitat intermédiaire entre collectif et individuel, s'opère sur la ZAC des Nelmonts à Witry-les-Reims, dont le Foyer Rémois est l'aménageur. A la fin de cette décennie, on assiste à Reims, avec le quartier du « Val de Murigny » et la ZAC de « La Bonne Femme », au retour d'un urbanisme plus proche du concept de la cité-jardin. Le Foyer Rémois construira sur ces deux sites plus de 1 200 logements, dont le plus grand nombre comportera des collectifs mais de taille plus réduite.

;6t partir de 1995, le Foyer Rémois, considérant toujours la cité-jardin comme une idée d'avenir, entreprend d'importants travaux de réhabilitation de la cité du Chemin Vert et engage des études pour réaliser à Bétheny une nouvelle cité-jardin de 200 logements, dont la conception sera adaptée aux modes de vie actuels et futurs. Suivant une démarche paysagère, grâce à la créativité de jeunes archi­tectes, et avec des innovations techniques, le Foyer Rémois confirme son souci permanent de la qua­lité de l'habitat et sa volonté d'innover. La cité-jardin du Petit Bétheny, dont les travaux ont commencé en 2000, sera l'une des premières, en France, à répondre aux caractéristiques de la haute qualité environnementale.

Au total, depuis 1914, le Foyer Rémois a construit dans le département de la Marne plus de 18 000 logements dont 13 300 sont des collectifs. Son patrimoine approchera à la fin de l'année 2000 les 15 000 logements.

Constatant les difficultés que rencontrent aujourd'hui la plupart des grands ensembles édifiés après la Seconde Guerre Mondiale, le Foyer Rémois, fort de son expérience, reste persuadé que la cité-jardin est un type d'urbanisme toujours pertinent. C'est pour en débattre et enrichir sa réflexion qu'il a pris l'initiative d'accueillir à Reims ce colloque européen.

Alain COSCIA-MORANNE
Directeur de la Construction
et de la Recherche au Foyer Rémois

 

Préface


Loger les humbles n'a pas été une préoccupation avant le début du XIXe siècle. Lorsque des loge­ments sont prévus dans les lieux de production, auparavant, c'est d'une façon toute fonction­nelle, et non dans une volonté de donner des conditions de vie meilleure aux ouvriers, fussent-ils les mieux payés du fait de leur spécialité ou de leur compétence. Quand Ledoux, n'en déplaise à ses adeptes, prévoit les logements de ceux qui assurent la maintenance de la ville-usine de Chaux, il le fait parce que c'est une tradition de loger près du lieu d'exploitation les principaux responsables de celle-ci. Et si ses vues sociales sont nouvelles, elles concernent avant tout cette catégorie d' « ouvriers ». Il ne prétend en aucun cas loger la main d'oeuvre, qui, en ce qui concerne la saline, vivaient en dehors, et sans doute dans des conditions précaires1 . La ville-usine idéale de San Leuccio, inachevée elle aussi, mériterait d'être davantage prise en compte : elle prévoyait une véritable cité ouvrière avec des services variés et, pour l'époque, d'un raffinement inouï2. Faut-il encore une fois se tourner vers Owen pour trouver les premières volontés d'asso­cier la question du logement à celle du travail ? Avant 1800, c'est en effet à New Lanark qu'est réalisé le premier village ouvrier où sont résolus les problèmes les plus urgents de la vie quotidienne : hygiène, confort, alimentation, en même temps que sont offerts des moyens, sinon de promotion, du moins de développement social avec la Maison de la Formation du caractère, vaste centre de scolarisation des jeunes et des moins jeunes, et d'ouverture culturelle3.

Pendant tout le XIXe siècle, la question sera reprise et discutée, souvent âprement : en 1872 Engels fait une synthèse polémique de la situation, et estime, dans sa préface de 1887 que les choses n'ont pas beaucoup évolué. Pire même, il revient sur le jugement favorable porté sur le Familistère de Guise. Il est un fait qu'à cette date, les rares réalisations sont patronales, et si elles offrent des avanta­ges indéniables sur le plan de l'habitat, elles sont encore très modestes dans leur offre sociale.

Pourtant les choses sont en train de changer. L'expansion économique s'emballe, les entreprises s'agran­dissent et accueillent un nombre d'ouvriers de plus en plus important. Les constructions d'initiative patronale se multiplient et offrent une palette de possibilités culturelles de plus en plus large. La formulation d'un projet nouveau, celui de cité-jardin, participe de ce contexte. Mais très vite, les idées d'Howard seront interprétées et déformées et rares sont les cités-jardins qui reproduisent le modèle proposé. Qui plus est, ce n'est qu'au lendemain de la Première Guerre Mondiale que les constructions de cités-jardins se multiplieront, dans la lignée des villages ouvriers de la période antérieure, plutôt que dans la fidélité au modèle howardien. Mais si le repère de la guerre est pertinent pour les pays européens engagés dans le conflit, il l'est moins ou pas du tout pour les pays qui ne furent pas touchés. Si pour les pays belligérants, la nécessité de reconstruire a été un facteur déclenchant, les facteurs qui ont permis la construction de cités-jardins, en Europe et dans le monde doivent-ils être cherchés davantage dans l'évolution de la société industrielle et dans l'incidence des boulever­sements idéologiques et politiques de la période : loger les humbles a été une urgence devant la tentation que représentait pour certaines catégories sociales l'adhésion au communisme. Pour d'autres pays, loin du conflit mondial, d'autres motivations ont probablement présidé à la construction de cités-jardins, mais les études manquent. Il nous manque la perspective américaine, du Nord comme du Sud. Les anciens pays communis­tes ont récupéré le concept, alors qu'il était abandonné en Europe occidentale et lui ont donné des caractères particuliers. Dans les anciennes colonies, les quartiers résidentiels des classes moyennes se rattachent au concept, et on commence tout juste à valoriser leur physionomie « art-déco ».
Autant le dire tout de suite : nous connaissons mal le sujet. Bien sûr, nous en repérons histori­quement les contours, mais nous sommes loin d'en maîtriser les manifestations spatiales. Le champ d'études est largement ouvert. Aujourd'hui, après un demi-siècle de constructions de masse, pour loger le plus grand nombre, et avec les problèmes sociaux qui en découlent, on se tourne vers les cités-jardins pour y rechercher les clés de leur succès. Ce n'est pas simple, car les cités-jardins, qu'elles soient d'inspiration patronale ou d'État, ne peuvent se réduire à une architecture, même novatrice, et des espaces jardinés. Ce qui a fait le succès des cités-jardins c'est à la fois des conditions de logement appréciables comparées au contexte, et un programme de développement social ambitieux5. Or, celui-ci a été largement repris par les pouvoirs publics ou les collectivités territoriales, dépouillant les cités-jardins de ce qui faisait l'essentiel de leur originalité.
Alors, quelle actualité pour les cités-jardins aujourd'hui ? Sans doute s'agit-il en premier lieu de réfléchir sur la pluralité des références, réintégrer les cités-jardins dans la perspective du logement social et en tirer les leçons. Les sociétés ont changé, les demandes de logement ne sont plus les mêmes, et la réhabilitation de Chemin Vert en est l'illustration éclairante. Tenter d'aller plus loin a été l'objet de ce colloque. C'est une contribution à une réflexion plus approfondie de l'histoire du logement qui est proposée ici, et qu'il faudra poursuivre.
Gracia DOREL-FERRÉ Présidente de l'APIC

 

LEDOUX, C.N. L'Architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation, réédition en fac-simile, Nördlingen, 1994

COLLECTIF, San Leucio, Archeologia, storia, Progetto, Milan, 1977.
BATAGLINI, M., La Manifattura reale di San Leuccio tra assolutismo e illuminismo, Roma, 1983.
RINO F. et autres, Utopie rilette, Napoli, 1986.

Cités, cités-jardins, une histoire européenne, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 1996.

HENRY, D., L'Œuvre d'éducation populaire dans une cité-jardin emblématique, Reims 1919-1939, Cahiers de l'APIC, Hors-série N° 2, CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2002.

 

 

Le site de la cité-jardin du Chemin Vert à Reims